Je dépose sur le papier les premiers mots de ce poème.
Ce sont des mots pour retrouver le coeur de ce qui m'anime.
Où s'est-il enfoui ?
Où s'est-il perdu ?
Rétréci par des pleurs qui ne peuvent que se muer en colère,
endurci comme un os,
mon diaphragme l'enserre.
Et les sanglots s'étouffent dans ma gorge avec le souffle des mots qu'il retient.
Respirer au risque de pleurer,
pleurer au risque de la solitude.
La grande solitude.
Celle de la mère quand l'enfant prend son envol loin du foyer natal,
celle de l'enfant quand son parent dit adieu à sa vie,
celle du vieillard qui ne connaît plus que des défunts,
celle du Saint à qui le silence ne révèle plus que lui-même,
celle du nourrisson qui a épuisé son cri dans un long et vain appel,
celle des abandonnés, des exclus, des esclaves, des oubliés.
Car les mots ne sont pas pour personne,
ils sont toi-moi emmêlés.
O mon âme !
Y a-t-il une place pour toi dans un monde fabriqué par ce que les yeux voient,
par une raison qui ne sait que compter,
toujours plus, toujours plus, toujours plus.
O mon amour !
Que te reste-t-il à embrasser quand des murs s'élèvent toujours plus haut sur le chemin où se rencontrent les hommes,
celui de l'espérance.
Je dépose sur le papier les mots de ce poème,
et l'enveloppe invisible de mon âme commence à s'y dessiner,
et le halo transparent de l'amour.
Et mon coeur, soudain, bat un peu mieux.